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DES HISTOIRES

Marinette

Marinette n’était pas bien futée, mais le cheveu triste et les vêtements sales ne gâchaient en rien son magnique sourire.
Marinette était tellement gentille qu’on en oubliait presque à quel point elle pouvait être sotte. Autant dire que le mot « conversation » n’avait aucune chance de se matérialiser auprès d’elle.

Lorsqu’un homme lui « comptait fleurette », elle y croyait à chaque fois.Pas besoin de savoir si pour elle l’histoire allait durer un quart d’heure ou toute la vie, toute notion de temps était parfaitement abstraite pour elle… Comme les petits enfants quand leur maman les quitte et qu’ils ne font aucune différence entre une heure et toute une journée. Pour eux ce qui les marque c’est que leur maman les laisse, pour Marinette ce qui lui importait c’est qu’on lui dise qu’on l’aime et qu’elle qu’on lui dise est belle. Elle savait bien que ce que lui disait les hommes n’était pas vrai, mais elle se plaisait à le croire, et cela seul comptait.

Marinette vivait ça ou là, au gré des conquêtes, un jour chez l’un et l’autre ailleurs. Du moment qu’on lui donnait de quoi manger et qu’on lui faisait l’amour Marinette était aux anges. Jamais elle n’avait eut deux amants à la fois, alors elle se plaisait à dire qu’elle n’avait jamais trompé personne, même si il lui était arrivé d’avoir jusqu’à cinq très grandes histoires d’amour dans la même journée.

Dès qu’elle n’entendait plus de « je t’aime », elle s’éclipsait, sans un éclat de voix, sans une scène, Marinette partait vers d’autres bras plus accueillants.

Un jour elle rencontra Dimo, un jeune homme qui si on y regardait bien aurait pu être son ls. C’était un bulgare. Marinette ne savait même pas que ce pays existait, ni quelque autre d’ailleurs non plus.
Il lui avait dit que son village natal était So a, elle avait trouvé ça joli comme un prénom de princesse, alors Dino l’appelait « ma princesse». Dimo cherchait à Paris l’opportunité de devenir quelqu’un. C’était un artiste, bien des fois après avoir fait l’amour, Dimo c’était levé et l’avait dessinée nue. Elle aimait bien la façon dont il fronçait les yeux, dont il plissait le nez, on aurait dit alors un petit garçon têtu et obstiné. Il s’appliquant tant que parfois il en oubliait même la présence de Marinette, mais elle ne disait rien, attendant bien sagement que Dimo se réveille du rêve dans lequel il était plongé.
Pour lui, elle était comme une bénédiction, jamais elle ne rechignait à une pause longue et dif cile, toujours patiente, toujours docile, elle attendait que le petit bout de crayon l’ai immortalisée sur le papier.

Ils étaient beaux les dessins de Dimo, ils étaient tendres et dynamiques, et ses toiles aux couleurs chatoyantes, toujours avec une grande dominante de bleus profonds, une couleur entre l’océan par un jour de tempête et celle d’une nuit presque sans lune.
Le trait était vif, alerte, comme une nuée d’oiseaux en partance pour des pays lointains.

Il arriva un moment où Marinette ne vit plus du tout Dimo, par un curieux désenchantement elle ne le vit ni au bistrot de la poste, ni dans la rue.
Elle alla même jusqu’à se rendre chez lui dans le petit studio au sixième étage, mais c’est en vain qu’elle monta l’interminable escalier de guingois… Personne ne répondit aux petits coups discrets et insistants qu’elle réitérait contre la porte. Elle se surprit à pleurer, elle ne savait pas au juste pourquoi, elle ne savait pas que c’était par amour qu’elle pleurait, parce que Dimo lui manquait.
Jamais encore elle n’avait pleuré sur une quelconque séparation. Un homme la quittait, et bien vite autour d’un petit blanc sec elle faisait une rencontre et la vie suivait ainsi son cours.

Mais aujourd’hui devant son petit blanc elle ne voulait ni voir ni écouter.